Zenigata

quand les bananes se plaignent de leur régime

Dans un club de go (2/2)

Je laisse là ces palabres sans fin pour rejoindre une table plus calme où la discussion est posée, agréable, presque charmante. L’un parle de la beauté du jeu, l’autre de la nostalgie de temps meilleurs. L’un encense les formes que son jeu produit, l’autre évoque ses faits de guerre emplis de fumée et de bière. L’un cite L’Âme du go pendant que l’autre se remémore Maître Lim. Tous les deux, l’artiste et l’ancêtre, sont unanimes à parler de l’histoire des parties de go, des batailles de cent ans, des pactes de non-agression, des trahisons soudaines, des invasions barbares, des duels ensanglantés, des partages à l’amiable…
Conseil : prévoyez des soirées complètes car plus c’est bon, plus c’est long…

Tiens voici le jeune qui monte en train de raconter son dernier tournoi parisien, du temps où il n’était « que 8k »… Car son niveau progresse à une vitesse effrenée ! Des fois qualifié de sandbagger, il souffre parfois d’un symptôme KGS qu’on reconnaît à son style de jeu offensif, voire abusif et destructeur, quand ce n’est pas le symptôme cosmonaute dès que son jeu devient aérien et qu’il découvre le Go cosmique de Takemiya avec ses San Ren Sei et autres tengen.
Conseil : faites parler votre expérience et piégez-le dans ce qu’il ne connaît pas, ou il vous roulera dessus.

À côté, un joueur ne prend la parole que pour se plaindre de ses mauvais coups et répéter qu’il est en train de perdre. On ne sait au juste si c’est une stratégie pour endormir l’adversaire ou pour s’autopersuader de son retard imaginaire. Le faux modeste est assez pénible, surtout quand, après moult « ça va mal », « je suis en retard » ou « ça va être juste », il finit par gagner de vingt points et affiche un air surpris…
Conseil : si ça vous paraît difficile de faire abstraction de ses remarques, entrez dans son jeu et plaignez-vous aussi. En pire.

Dans le fond de la salle j’aperçois une partie qui s’éternise. Normal puisque ce duel confronte la tortue à l’hésitant. Quand le premier met dix minutes par coup, le second ne joue jamais complètement ; il hésite à voix haute, espérant certainement une aide de son adversaire, ou craignant tout simplement de faire le mauvais coup qui décevra l’autre, spécialement dans une partie à handicap.
Conseil : ne jouez jamais de rengo avec eux !

Ces types de joueur sont monnaie courante dans cet antre du jeu et de la débauche. Mais il en est un, unique et inimitable, qui apporte joie festive et élégance anisée dans son sillage. Joueur en dan, père de famille, professeur respecté et animateur généreux, le Titi ne laisse personne indifférent.
Conseil : sa force croît avec l’alcool ! Vous êtes prévenu.

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